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02/06/2015

Ubu contre le pape : un banquier "francescophobe" s'en prend d'avance à l'encyclique d'écologie chrétienne

pape françois

Ettore Gotti-Tedeschi se démasque avec sa lettre ouverte au pape :


 

 

pape françoisQuand le banquier d'affaires Gotti Tedeschi fut évincé de l'IOR (sous Benoît XVI) après trois ans seulement de mandat, on se douta que cette fin rapide ne tenait pas qu'à des raisons de gestion. M. Gotti Tedeschi avait-il été impliqué dans l'affaire des fuites de documents confidentiels, montée par l'antenne des « libéraux conservateurs » au Vatican ? Cette hypothèse évoquée par La Croix (25/5/2012) ne fut pas confirmée.  Lié à d'innombrables conseils d'administration, M. Gotti Tedeschi fait néanmoins partie du lobby libéral au sein du catholicisme. Autant dire qu'il est en porte-à-faux par rapport à l'Eglise ! Il est entre autres l'auteur d'un ouvrage intitulé L'Argent et le paradis et paru en 2004 : dans ce livre, il déploie le mythe du « capitalisme inspiré par la morale chrétienne »... En réalité le capitalisme ne peut avoir d'autre moteur que sa logique exclusive, le profit ; et la « morale chrétienne » est forcément sociale*, chose étrangère au libéralisme. (Pour le milieu catho-libéral, la morale chrétienne n'est qu'un code de bons sentiments individuels et ne doit à aucun prix contester des structures. Les catho-libéraux contredisent ainsi la doctrine sociale de l'Eglise, en particulier dans l'enseignement de Joseph Ratzinger).

Libéral militant, chantre de la juste compétition (titre d'un autre de ses livres paru en 2007), M. Gotti Tedeschi vient de révéler son appartenance au camp des cathos « francescophobes » : littéralement ceux qui ont peur  du pape François.

De quoi ont-ils peur ? Des idées sociales, économiques et écologiques de ce pape. Mais ces idées font partie de l'enseignement pontifical, le magistère de l'Eglise ? Oui : c'est pourquoi les francescophobes, travaillant en réseau, ont entrepris de discréditer le pape François sur le plan doctrinal. Attaquer le pape sur ses idées de justice (sociale, économique, climatique) serait mal vu d'une partie de l'opinion catho ; on l'a donc pris à revers, en l'attaquant sur son orthodoxie théologique. Et comme la théologie de la droite catho se limite aux questions de morale sexuelle, on a fait courir le bruit que le pape allait brader ces questions en se ralliant au LGBT** : procédé assez infect, mais efficace – en France et aux Etats-Unis – dans le climat de sexomanie actuel. D'autant que deux ou trois prélats (l'air de ne pas y toucher) vinrent dorer cette polémique, à l'or fin de la majesté cardinalice...

La campagne contre François « bradeur de la morale  familiale » ne visait qu'à discréditer le pape avant la parution de Laudato si, l'encyclique redoutée, qui risquait de parler d'économie sur le même ton que La joie de l'Evangile.

Et voilà que M. Gotti Tedeschi, discret depuis 2012, sort du silence avec une « lettre ouverte » au pape qui prolonge une campagne ouverte l'an dernier par des pétitions et « filiales suppliques », vibrantes de sottise prétentieuse et de sourde hostilité.

Dans cette lettre ouverte (relayée par le « vaticaniste » Sandro Magister, désinformateur*** francescophobe), le banquier proclame :

1 - que la « crise de l'environnement » a pour origine « le malthusianisme »,

2 - que le malthusianisme, idéologie tombée de la lune (« les universités américaines »), est la cause nécessaire et suffisante de l'effondrement des naissances dans le « monde occidental »,

3 - que la crise de l'environnement n'est pas due aux pays riches, mais à la délocalisation des industries vers les pays pauvres... « qui n'étaient pas prêts pour les technologies qui protègent l'environnement »,

4 - que la croissance zéro de la population n'est due qu'au complot des « néomalthusiens », qui ont, pour cela, mis en place le consumérisme,

5 - que le vieillissement de la population (dû à cela) est la véritable cause de la dette, de la chute des investissements et de la panne de la croissance...

Tout ça pour en venir à ce venin :

6. << Comment peut-on penser qu'une culture néo-malthusianisme et avortiste, qui nie le caractère sacré de la vie humaine qui considèrent l'homme comme un animal intelligent, fruit de l'évolution d'un bacille, mais aussi comme cancer de la nature dont le seul but est de consommer, puisse élaborer des projets pour l'environnement et pour l'homme ? Comment peut-on imaginer d’aller chercher les solutions pour l'environnement chez ceux qui prônent une pseudo solution environnementale-économique comme prioritaire, à la place d'une véritable solution de conscientisation morale de l'homme à travers une maturation spirituelle et intellectuelle ? Le risque que nous courons, en tolérant la mise en place de solutions malthusiennes environnementaliste, est de permettre à l'environnementalisme de s'affirmer comme religion universelle dans un monde globalisé où coexistent différentes cultures religieuses. Cet environnementalisme malthusien risque de créer une plus grande pauvreté, de plus grands déséquilibres socio-économiques, et une moindre protection véritable de l'environnement. >>

(J'ai trouvé cette traduction sur le site de Jeanne Smits).

 

L'argumentation de M. Gotti Tedeschi est non seulement faussée, mais tordue.

Dans les points 1, 2 et 4, il présente les conséquences comme des causes (et les causes comme des conséquences). En réalité la chute des naissances n'est pas le résultat d'un complot idéologique des « universités américaines » : elle est le produit des conditions de vie faites aux gens ! Et les conditions de vie ne sont pas le résultat d'une idéologie : elles sont le résultat de la forme économique de la société... Toute autre personne qu'un banquier vivant dans sa bulle sait qu'une jeune femme d'aujourd'hui retarde la maternité parce qu'elle est prise dans l'angoisse de la survie professionnelle... La société de marché (consumérisme et instabilité de la vie) impose à tous les individus le court-terme et le chacun-pour-soi. M. Gotti Tedeschi et son milieu – la droite libérale-conservatrice – ne veulent pas que l'on incrimine la société de marché ? Ce n'est pas pour nous surprendre. Ces grands défenseurs de la Vie Majuscule n'ont aucune idée de ce que sont les vies réelles.

Passons sur l'ubuesque point 3, qui suggère que les pays riches « protègent l'environnement » grâce à leurs « technologies ». C'est à faire hennir les constellations, comme disait Léon Bloy.

Le point 5 ne serait pas faux s'il se contentait de voir un lien entre la chute des naissances et l'atonie économique. Il est faux dans la mesure où il fait du « malthusianisme » (idéologie tombée de la lune ?) la cause unique et déterminante de la chute des investissements... En tant qu'économiste et financier, M. Gotti Tedeschi peut-il ignorer que la chute des investissements est liée à la financiarisation de l'économie et à la polarisation des entreprises sur les Bourses ? Si oui, on comprendrait que le conseil d'administration de l'IOR l'ait remercié en 2012... Mais c'est non : de toute évidence ce banquier prêche délibérément autre chose que la réalité. Croyant (comme tout son milieu) que le pape François « n'y connaît rien », il imagine l'impressionner avec les carabistouilles des points 1 à 5, pour pouvoir ensuite porter l'estocade empoisonnée que vous avez lue au point 6 :

M. Gotti Tedeschi fait semblant de croire que le pape François pourrait pactiser avec « la culture néo-malthusianiste et avortiste qui nie le caractère sacré de la vie humaine » ; que placer la responsabilité environnementale comme priorité serait « permettre à l'environnementalisme (?) de s'affirmer comme religion » ; et qu'il ne faut surtout pas s'en prendre au modèle productiviste mondial, car ce serait une « pseudo-solution environnementale-économique »... et sans doute une apostasie, puisque le souci de responsabilité environnementale est (comme chacun sait) une religion païenne.

Ces insinuations visant le pape sont odieuses. M. Gotti-Tedeschi, quand il fut viré sans ménagements de la présidence de l'IOR, avait déclaré à la presse qu'il se retenait de « dire des grossièretés ». Il s'est retenu trois ans. Il vient de se lâcher... Mais Jorge Bergoglio en a vu d'autres, et venant d'ennemis d'une autre envergure.

Le plus frappant est la bêtise apparente du texte du banquier. On croirait entendre  ce personnage d'un roman des années 1950, dadais des beaux quartiers « à qui les nationalisations donnaient des angoisses métaphysiques » ! Mais M. Gotti Tedeschi n'est pas un niais. Ça aggrave son cas.

 

 _______________ 

* Pour plus d'informations sur ce point, consulter par exemple l'exhortation apostolique du pape François La joie de l'Evangile.

** Cf la presse française de droite en 2014.

*** Sandro Magister annonçait en mai que l'encyclique ne paraîtrait pas, "étant désavouée par la Congrégation pour la doctrine de la foi".  Bravo l'artiste.

 

 

pape françois

  

Commentaires

OEILLERES

> Les oeillières, qui empêchent de voir les questions environnementales et sociales et réduisent la DSE à la morale sexuelle et conjugale, ne sont pas près de tomber puisque sur un site, fort en vogue chez les cathos-LMPT, la future encyclique du pape François se réduit à "l'écologie humaine" et qu'il reproduit aussi le texte du banquier.
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Écrit par : Aurélien Million / | 02/06/2015

@ PP

> mais voyons vous savez bien que la Congrégation pour la doctrine de la foi est dirigée par un prélat qui nie la virginité de Marie !
si ! si !
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Écrit par : E Levavasseur / | 02/06/2015

LA MONDIALISATION

> Oui, c'est de la bouillie pour les chats (mais mon Grisou n'en voudrait pas). Deux remarques toutefois:
-Le point 3 traite mal et même maltraite une question réelle (soigneusement esquivée dans les colloques d'écologistes chrétiens) qui est le rôle aggravant de la mondialisation économique et des transferts industriels vers de pays à bas coût: si on ne répare pas un fer à repasser, c'est parce qu'il est utilisé dans un pays ou le taux horaire du réparateur est 10, 20, voire 50 fois celui du pays producteur. Delenda est mondialisatio.
-Il y a quand même eu un dysfonctionnement au Vatican: sa nomination.
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Écrit par : Pierre Huet / | 02/06/2015

L'ENTRAIDE

> Il y a une manière de sacraliser la vie qui consiste à l'éviscérer pour l'embaumer et lui rendre un culte morbide, liturgies gesticulantes dont la finalité occulte est d'assurer l'immutabilité de la pyramide sociale.
La façon dont certains catholiques traitent par exemple le "cas" Vincent Lambert, pleureuses et lapideurs vociférant sur la scène médiatique, sans aucun égard pour une famille en si grande souffrance, exhibant un homme totalement dépendant, en incapacité de s'exprimer ni se défendre, grabataire hissé en étendard de leur juste cause, est à mon sens proprement inhumaine.
Avant de se proclamer chevalier de la vie, il est bon de s'agenouiller en silence devant elle, le tablier de service noué sur les reins. L'honorer en silence et la servir humblement où qu'elle se trouve, et pas selon mes critères de sélection: devant le roseau froissé, la brebis perdue, le boeuf qui ploie sous le joug ou l'âne tombé au fond du puits, comme devant le migrant mourant sur son bateau de misère, la collègue en souffrance en nième tentative de PMA, l'enfant que l'on tue dans le sein maternel.
Le reste, c'est de la récupération: on asservit la vie en souffrance à notre vision des choses, on l'envoie au combat pour avancer nos positions.
Or ce que la vie nous enseigne, c'est que c'est au coeur de sa vulnérabilité que se déploie son miracle, miracle gratuit, sans calcul, sans autre finalité que de répandre la joie du don.
Qu'est-ce qui est plus proche du message chrétien: le darwinisme social sur lequel repose le libéralisme, ou la thèse scientifique adverse d'un Kropotkine, d'une évolution fondée sur l'entraide ?
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Écrit par : Anne Josnin / | 02/06/2015

Mgr DAGENS

> Strictement rien à voir. Un intéressant article de Mgr Dagens dans 'Le Monde' : http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/06/01/emmanuel-todd-et-le-catholicisme-francais_4644613_3232.html
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Écrit par : ND / | 02/06/2015

QUI ?

> Je rejoins monsieur Huet sur sa dernière ligne:
Cet homme , comment donc a-t 'il été nommé à la tête de l'IOR ?
Il y a donc bien une grande nécessité de nettoyer les écuries ....
Par ailleurs j'ai,en tête,aujourd'hui le film reportage de Pierre Barnerias: 'M et le 3° secret' . Celui -ci évoque partiellement mais très nettement une problématique du Vatican à notre époque contemporaine . Je ne saurais pas personnellement la qualifier , mais , oui , Mr Huet a mille fois raison de poser la question : Qui a travaillé au placement de ce banquier à la tête de l'IOR ?
J'ai bien en mémoire la prédication du cardinal Ratzinger lors de la messe "d'installation" , évoquant la barque de Pierre tanguant dans la tempête .....
Une grâce d'avoir un pasteur comme le pape François. Puisse t'il être aidé , soutenu dans ses œuvres actuelles ?
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Écrit par : yves marniquet / | 02/06/2015

LE BANQUIER, MALTHUS ETC

> Vous écrivez que Gotti-Tedeschi soutient "qu'il ne faut surtout pas s'en prendre au modèle productiviste mondial". Je lis au contraire qu'il en fait une critique radicale, au sens étymologique du terme. Il l'attaque à sa racine qui est double, l'une morale, le refus d'ouverture à la vie ; l'autre idéologique, le libéralisme philosophique :
"C'est bien pour corriger et pour compenser les risques de l'effondrement proportionnel de la croissance du PIB que l'on a adopté ce qu'on appelle le modèle consumériste. Dans une société mûre, avec une morale relativiste, nihiliste, il n'a pas été difficile de proposer à l’homme occidental, en tant que véritable et principale satisfaction, cette satisfaction matérielle et consumériste. Mais pour satisfaire à l'exigence d'un consumérisme largement répandu on a créé en même temps les conditions de la pauvreté et de l'exploitation de l'environnement. " Il me semble que ce qu'il écrit à la fin du passage cité, vous auriez pu l'écrire vous-même...
Alors, certes, la cohérence de sa charge peut être critiquée, mais je n'y lis pas ce que vous y lisez.
Ce qui me choque dans son texte, c'est qu'il semble penser que le pape puisse écouter avec complaisances des malthusiens abortistes, ce qui est effectivement non seulement invraisemblable mais en outre insultant...

Hubert Houliez


[ PP à HH :
1. GT a l'habileté de mentionner des éléments économiques réels, mais il inverse les causes et les conséquences (comme le signale ma note) : ce qui ôte toute pertinence à son argumentaire. Et cet argumentaire a pour but (cela ne vous a pas échappé) de précéder et de "légitimer" - de façon purement apparente - l'attaque venimeuse envers le pape et l'encyclique.
2. Non, ce qu'écrit GT ne pourrait être écrit par moi ni par aucun catholique anti-libéral. Le fond du raisonnement de GT (comme de toute la droite libérale catho) consiste à désigner comme décisive en dernière instance "l'idéologie malthusienne". Cela équivaut à esquiver la réalité et à parler pour ne rien dire. Les idéologies ne sont pas des entités autonomes venant d'on ne sait où (d'un complot ?). Elles sont inséparablement liées aux réalités socio-économiques... dont elles sont en grande partie le produit, et dont elles servent les intérêts - ainsi que le cardinal Ratzinger lui-même le soulignait naguère en commentant Marx.
3. Rappelons par ailleurs que le malthusianisme porte le nom de Malthus, lequel était l'un des "founding fathers" du libéralisme économique : sa théorie anti-nataliste se présentait comme une conséquence de sa théorie économique générale... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Hubert Houliez / | 03/06/2015

@ yves marniquet

> ....et qui avait placé Mgr Marcinkus à ce poste dans les années 70?
Cet étrange personnage qui avait porté l'IOR caution d'opérations frauduleuses de la Banco Ambrosiano ce qui avait "soulagé" l'IOR de la modique somme de 1 milliard de $.
Errare humanum est ...
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Écrit par : Pierre Huet / | 03/06/2015

HONNEURS

Un "Martin" (?) m'adresse une note de 2014, d'un site bergogliophobe qui encense "l'honneur d'Ettore Gotti Tedeschi" - mais sur une affaire dénuée de rapport avec notre sujet d'ici. Répondons-lui simplement que les calomniateurs du pape ont une singulière conception de l'honneur. Précisons-lui également que M. Magister n'est plus une source depuis son rôle durant le dernier tiers du pontificat de Benoît XVI. ]

réponse au commentaire

Écrit par : martin / | 04/06/2015

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